Elzbieta (1936-2018) est une artiste plasticienne, qui, parallèlement à son travail pour « grandes personnes », a écrit et illustré une soixantaine d’albums pour les enfants depuis 1972, année de parution à Londres de son premier livre sous le titres « the adventures of little mops ».
Nombreux sont ceux traduits dans de multiples langues, comme « Flon-Flon et Musette », sur le thème de la guerre. Pou illustrer, Elzbieta s’est amusée à utiliser des techniques et matériaux différents, pour ne jamais se lasser et toujours expérimenter, ce qu’elle disait « partager avec les enfants ».
« Chacun de mes albums illustrés est un petit théâtre. C’est comme cela que je conçois mes livres. Je suis le metteur en scène de mes histoires, l’architecte de mes théâtres, l’auteur et le décorateur de mes pièces. Le public que j’invite, celui auquel je m’adresse, ce sont les enfants. Depuis mon atelier, les coulisses où je suis à l’oeuvre, j’aime les imaginer absorbés dans ce que j’ai concocté à leur intention. »
Depuis trente ans, Elzbieta construit une oeuvre en mots et images pour évoquer l’Enfance et ses multiples facettes. Ainsi, invente-t-elle des Contes, des histoires fantastiques, des comptines au non-sens poétique, des histoires en miroir, des histoires tendres, cocasses, des histoires où il est question de sujets graves et de sujets légers. Et tous ses « mots » sont accompagnés par ses images, aux techniques diverses en fonction du sujet.
Pour découvrir ou redécouvrir l’univers d’Elzbieta !
30 oeuvres originales d’albums et de sa monographie « images images » – accompagnées de textes
Pendant plusieurs années Elzbieta a accumulé – quasi quotidiennement- des centaines de dessins à la plume dans des carnets. Elle nommait ce travail « son Journal » . Ces dessins forment la base de toute l’oeuvre à venir ; c’est pourquoi il nous a paru important de les montrer, de les éditer, pour la plupart, rassemblés en un volume.
la technique que j’employais consistait à construire, au moyen de griffures d’encre, des couches plus ou moins profondes de fins grillages superposés. Il me semblait parfois, – car de ces griffures j’ai dû en accumuler des millions,- être un merle qui gratte la terre. D’autres fois c’était comme si j’accumulais des brindilles pour me construire un abri. Mes traits brûlaient le papier comme l’auraient faits des étincelles, des poussières incandescentes qui meurent durant l’instant qu’elles mettent à faire leur bref trajet. Peut-être est-ce pour cela que ces dessins ont la couleur des cendres ? /…/
Jusque là, je n’avais pas trouvé le fil d’Ariane de ma propre voie. Je n’étais pas encore installée dans ma propre mine. A partir du moment où j’ai accepté de n’avoir pas d’autre moyen que cette modeste façon d’agir, quand j’ai, en somme, converti en décision personnelle ce qui m’était imposé du dehors par mon impécuniosité, mon vrai travail a pu commencer. Ce n’était pas un acquiescement aussi clair que cela bien entendu. Ces choses-là vous arrivent, se font par errements obscurs avande de devenir des évidences /…/ Elzbieta
» Tous les procédés qui permettent de réaliser des images m’intéressent. Toutes les images m’intéressent. Surtout celles en deux dimensions et celles qui ne bougent pas ; je fais de moins en moins de hiérarchie entre les œuvres, je veux dire en général, pas seulement entre les miennes. Dans mes collections, cohabitent pêle-mêle des reproductions de chefs-d’œuvre réputés et de n’importe quoi. Tout est à plat, personne n’est favorisé. D’ailleurs, pour la plupart d’entre elles, il s’agit d’images imprimées. L’imprimerie ? Le grand égalisateur d’images !
A travers les années, j’ai utilisé de nombreuses façons de faire apparaître des représentations, d’ailleurs il me semble que c’est cela que je fais depuis toujours : essayer comme ci ou comme ça et encore autrement, pour découvrir ce que ça donne. J’aime inventer des techniques inédites. Je n’explique pas mes ruses. Je pense avec mes yeux.
Pour la première fois, dans cet imagier, j’ai pu exposer un échantillonnage de quelques unes de mes façons de faire à travers les années. Cela a été un grand plaisir que de les réunir. Des images anciennes qui parfois ne m’appartiennent plus, mais dont la reproduction ici m’a permis de me les réapproprier, côtoient des images récentes. Des aventures compliquées dont je pensais qu’elles resteraient inconnues à jamais, montrent ici un bout de fil. Quelques unes de ces pages indiquent même, discrètement, le sens de certaines de mes réflexions sur l’image et la vision. »
Elzbieta
Voir également: » La nostalgie aborigène « .
« En intitulant mon texte La nostalgie aborigène, je pensais donner une clef pour ce qui est, de mon point de vue, le sujet de ce livre. Or ce titre a troublé. Il est souvent devenu autre chose dans les mémoires : « les racines arborigènes » par exemple, ou encore quelque chose d’australien ! Peut-être est-ce faute d’avoir saisi ce que ce titre désigne, qui fait que le récit de mes mésaventures personnelles prend, chez certains, le dessus, au point de masquer son propos intérieur.
Bien entendu, je ne nie pas que ce soit la description de mon ravissement (dans le double sens de ce terme de détournement et d’exaltation), par un couple peu scrupuleux. Mais, ce qui m’a frappée, à mesure que je construisais ce récit et dépeignais la jeune fille immature que je fus, ce qui m’apparut de plus en plus nettement, c’est ma participation à ce projet. Et combien l’histoire de ma capture et de mon exploitation recouvre celle, plus singulière et à priori moins évidente, de ma collaboration active, enflammée – presque perverse ! – à ce qui menaçait toute réalisation personnelle.
La nostalgie aborigène, cette mélancolie que suscite l’ignorance ou la perte de nos origines, notre besoin humain d’appartenance, est une disette despotique. L’espérance d’y porter remède n’est pas exempte de risques, ni la réussite avérée. »
Elzbieta
L’exposition présente un ensemble de dessins d’Elzbieta des années 1973-1976, qui se rajoutent à ceux publiés par l’art à la page dans le » Journal 1973-1976 » . Ces magnifiques dessins à l’encre forment une véritable entité et permettent d’aborder l’oeuvre graphique antérieure à celle de ses albums pour la Jeunesse. Ils recèlent de nombreux élèments et thèmes des livres à venir, étant aussi en cela une véritable genèse de l’oeuvre
» Ce travail des carnets je l’ai poursuivi pendant plusieurs années. Un recueil de deux à trois cents petits dessins en a résulté : le fondement de tout ce que j’ai fait depuis ; J’appelais alors mes carnets « mon journal », parce que j’en datais les images, date qui était souvent un élément du dessin lui-même. La technique que j’employais consistait à construire au moyen de griffures d’encre, des couches plus ou moins profondes de fins grillages superposés … » (Elzbieta)