« Mon atelier est comme un capharnaüm, rempli d’objets que j’ai glanés, emportés, que l’on m’a donnés; de paysages, de visages que j’ai photographiés, dessinés, sculptés. Je les enjambe, je les assemble, je les éloigne /…/
J’invente une histoire. J’écris, j’écris. Je dessine un visage, le grave, le ponce… Comment tout cela peut-il prendre forme ? Quelle manière ? Quelle matière ?
Je vais marcher pour pouvoir sentir la force du mouvement. Au retour, sur la table, un texte, une phrase, un poème attendent. Pour ce poème, soudain, un format s’impose, viennent des couleurs, des odeurs. Je découpe le carton. J’assemble et plie les papiers avec leurs infinies textures et grammages. J’écris avec les pinceaux, les plumes remplies d’encre. Je couds, j’encolle, j’agrafe. Fébrilement, je peins à nouveau.
Et je laisse reposer cet objet qui attendra pour devenir un livre singulier, un livre unique, un livre. »
Chantal Aubin
Chantal Aubin reprend le fil du conte de Perrault par la voix de son héroïne au moment où celle-ci fuit le château paternel et l’enfance.
Belle idée littéraire, le livre revisite le conte dans un poème en prose qui est aussi journal intime, ponctué de tableaux et de gravures.
» L’oiseau blanc gît sur la neige.
Un peu de rouge sur la neige
Je marche depuis si longtemps…
Les sabots ont écorché mes pieds, et mes jambes ne sont qu’un feu.
Les chiens ont déchiré le bas de ma peau d’âne,
l’un d’eux m’a mordue et ma cheville n’est plus que boursouflure gonflée de sang.
Je n’oublierai rien, ni l’odeur sucrée du mûrier blanc
ni le chant des palombes dans les blés.
J’aurais pu continuer de vivre dans l’insouciance et la paix si …
Je referme autour de moi la fourrure grise qui me sert de manteau … »
Voir également: » Carnet de Madame D., Septième femme de Barbe Bleue ».
Poème en prose en même temps que journal intime de la dernière femme de Barbe Bleue, le livre de Chantal Aubin suit le fil intemporel du conte de Perrault par la voix de son personnage mais figure aussi l’appel au secours d’une femme – de toute femme – prise au piège. Son écriture elliptique et vibrante est ponctuée de portraits à l’encre inspirés des auto-portraits de Cézanne d’une force saisissante.
Chantal Aubin a illustré ses premiers albums au Père Castor/ Flammarion. Elle a publié – textes et images – deux albums remarqués : L’herbier des couleurs (Adam Biro Jeunesse, 2004) et Fièvre (Le Baron Perché, 2006). Parallèlement, elle créé des livres d’artiste acquis par des bibliothèques ou des particuliers, inspirés par la poésie (Du Bellay, Baudelaire, …) la peinture (Vermeer, Cézanne, …), la danse, la Loire, la nature. Peintre et écrivain, elle vit et travaille en Touraine. Elle anime régulièrement des ateliers d’écriture ou d’illustration.
« Avant le repas, Barbe Bleue m’a offert un bijou, un
bracelet somptueux, très large et très serré.
Si bien ajusté à la finesse de vos poignets, m’a-t-il dit.
Au claquement du fermoir, j’ai senti pâlir mon visage … »
Voir également: » Carnet de Mademoiselle L, on m’appelait Peau d’Ane « .
Dans le cadre de l’exposition UN CABINET DE CURIOSITES, présentant des oeuvres « inédites et surprenantes » de dix artistes … CHANTAL AUBIN est l’une des artistes invités avec une magnifique série de portraits, variations à l’encre de chine sur papier de riz, qui accompagnent son texte intitulé « le cavalier et la jeune Chinoise »
L’exposition présente les oeuvres originales des deux livres de Chantal Aubin publiés par L’Art à la Page en octobre 2008 :
Carnet de Madame D, journal de la septième femme de Barbe Bleue
Carnet de Mademoiselle L, journal de Peau d’Âne
Dessins à la plume, au pinceau, à l’encre de chine pour les magnifiques portraits du livre de Barbe Bleue …
techniques mixtes pour les petits formats du journal de Peau d’Ane où alternent visages et paysages …
Pour les mots et les images … Deux aspects du travail de Chantal Aubin à découvrir !